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Travailler notre ADN en commun : récit des coulisses de notre projet associatif

Publié le 15/05/2025 par Emma
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Pour information : la majorité (si ce n’est la quasi-totalité) des personnes participantes étaient des femmes. Je fais le choix de l’écriture épicène dans mes écrits. – Nazanin

Écrire un projet associatif, ce n’est pas seulement poser des mots sur le papier. C’est donner forme à une vision partagée, tracer une direction commune, nommer un cap. À Un abri qui sauve des vies, cette étape n’a pas été confiée à un comité restreint : nous avons choisi de l’ouvrir à toutes celles qui font vivre l’association.

Née d’un engagement citoyen hors des cadres institutionnels classiques — non par opposition, mais par nécessité —, notre association a grandi dans l’urgence, en construisant ses repères à mesure qu’elle avançait. Ce projet s’inscrit aujourd’hui dans un écosystème plus large de lutte contre les violences intrafamiliales et conjugales, avec la volonté d’apporter une réponse complémentaire aux dispositifs existants.

Une méthode fidèle à notre réalité

Nous avons engagé un processus participatif, mêlant questionnaire, entretiens et groupes de travail ouverts à toutes les personnes investies dans l’association — les bénévoles, les personnes abritantes, les salariées. Ces espaces ont été pensés comme des lieux de réflexion partagée, où chacun(e) peut contribuer depuis sa place, son vécu, son rapport à l’association.

Quatre axes ont guidé notre démarche : les missions, la posture éthique et politique, les valeurs, et la gouvernance. Chaque groupe de travail a été animé dans une logique d’écoute active, permettant d’alterner moments d’analyse et prises de parole spontanées.

Le questionnaire, quant à lui, a permis de recueillir une pluralité de points de vue sur nos forces, nos zones d’ombre, nos aspirations. Il a mis en lumière les tensions que nous connaissons bien : entre réactivité et stabilisation, entre engagement informel et structuration, entre accueil citoyen et reconnaissance institutionnelle.

Au fil des semaines, une parole collective s’est précisée. Elle ne cherche pas l’unanimité, mais la justesse. Ce qui a émergé n’est pas une projection idéale mais le reflet d’une association en mouvement.

L’horizontalité comme exigence

Choisir d’écrire ensemble, c’est reconnaître que la légitimité ne vient pas uniquement du statut ou de l’expertise, mais de l’expérience et de l’engagement. Cette horizontalité, loin d’être un idéal abstrait, est une méthode de travail. Elle demande du temps, de la clarté, une attention à l’écoute et aux silences.

Elle impose aussi des choix : ralentir, expliciter, rendre intelligible à toutes les discussions parfois complexes autour de nos orientations ou de notre posture. Mais c’est une exigence féconde. Elle a permis à certaines de prendre place dans la réflexion, à d’autres de reformuler des intuitions restées jusque-là implicites.

En partageant les mots, nous avons aussi partagé les responsabilités : dans la manière de représenter l’association, de penser son avenir, de garantir sa cohérence.

Éclaircir nos intentions, sans effacer nos tensions

Cette démarche collective a permis de mieux cerner ce que recouvre pour nous l’hébergement citoyen. Il ne s’agit pas simplement de mettre un toit à disposition, mais de proposer un espace transitoire où la relation humaine, la confiance et la solidarité constituent une réponse sociale à part entière.

Cet engagement pose des questions fortes, que nous choisissons de rendre visibles : comment sécuriser sans contrôler ? Protéger sans enfermer ? Accompagner sans surplomber ? Ces tensions ne sont pas des failles à combler, mais des points de vigilance à tenir. Elles structurent notre action et fondent notre vigilance éthique.

Nous ne cherchons pas à plaquer des modèles existants sur notre pratique. Nous nous nourrissons des cadres du secteur social et médico-social, tout en revendiquant une forme d’altérité dans notre manière d’agir. Notre approche ne s’oppose pas aux institutions : elle s’y articule autrement, à hauteur de femmes et d’hommes, dans les interstices parfois invisibles du système.

Un processus qui transforme, au-delà du texte

Ce travail n’a pas seulement produit un projet associatif : il a ouvert des espaces pour reformuler les intentions initiales, interroger notre trajectoire, questionner nos choix.

Il a aussi posé les jalons d’une gouvernance plus explicite, où les valeurs qui nous animent — horizontalité, responsabilité, ancrage citoyen — deviennent des repères partagés. Nous préférons parler d’horizontalité active plutôt que de démocratie participative, pour souligner le rôle structurant de l’engagement collectif dans notre fonctionnement.

Ce processus a renforcé les liens, a rendu visibles des manières de faire parfois informelles, et donné prise à un récit commun que nous continuons d’écrire. Un récit habité, traversé par des réalités complexes, mais fidèle à ce qui nous fait tenir ensemble.

Et maintenant ?

Ce projet associatif n’est pas figé. Il nous sert de boussole pour penser l’avenir, affirmer notre place dans le paysage de la lutte contre les violences, affiner nos alliances. Il ne prétend pas répondre à tout, mais il cherche à dire d’où nous parlons, ce que nous faisons, ce que nous voulons.

Nous souhaitons qu’il soit un point d’appui dans nos dialogues avec les institutions, les partenaires, les personnes concernées. Non pour convaincre à tout prix, mais pour rendre lisible une démarche à la fois profondément humaine et rigoureusement engagée.

Il sera présenté le 19 juin, lors des 5 ans d’Un abri qui sauve des vies.

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